Article Manga : Shinkirari – Derrière le rideau, la Liberté

par Inconnu Day

Se lever, préparer le petit déjeuner, s’occuper des enfants, entretenir la maison, laver le linge, faire vivre le quartier, faire les courses, préparer le repas, gérer les devoirs des enfants, attendre le retour du mari et partir se coucher. Mais derrière le rideau, une mère de famille se rappelle doucement qu’elle est aussi une femme

Shinkirari : Derrière le rideau, la Liberté. Quotidien prison d’une illusion de bonheur.

Mère de deux filles, madame Yamakawa est femme au foyer. Si elle prend beaucoup de plaisir à éduquer sa progéniture, chaque jour se ressemble et passe si vite qu’elle les voit avancer petit à petit vers l’instant où elles n’auront plus besoin d’elle. Quand ses filles ne sont pas là, elle profite de son temps libre pour rêver. Rêver à ces instants où elle n’était pas encore affectée par la solitude, où elle n’était pas encore une inconnue pour son mari et tenue pour acquise. Mais le temps passe, le songe se dissipe

Yamada Murasaki nous livre ici un portrait fin et poétique d’une femme qui lui ressemble : une femme qui garde ses yeux dans le rêve d’une romance simple et modeste, emprisonnée au fond du puits que l’on nomme quotidien, verrouillé par les besoins de ses enfants et de son mari. Un extrait de réalité qui nous vient tout droit du japon du début des années 80, où les femmes, même si elles ont accès à l’éducation, se marient et s’enferment presque systématiquement dans le rôle de femme au foyer. Un carcan dans lequel la société les cloisonne, argumentant ainsi la rupture progressive avec la gente masculine, exilée dans un quotidien de labeur et en recherche de la femme qu’ils ont désiré, depuis métamorphosée en mère. Des rôles qui prennent le pas sur l’identité propre, creusent la solitude et focalisent chacun sur ses besoins et envies individuelles. Une analyse sans jugement d’un mal très japonais, qui existe toutefois également chez nous dans un dérivé moins sociétal. Si en 40 ans les mentalités ont évolué, notamment sur la place des femmes dans la société, certains artéfacts demeurent et rendent cette œuvre on ne peut plus moderne et actuelle.

 
Shinkirari

Shinkirari est un manga écrit par Yamada Murasaki en 1981 et publié chez nous par Kana depuis le 30 Août 2024, dans la collection Sensei. Pionnière d’un genre qui deviendra le josei sous l’égide du magazine d’Osamu Tezuka, elle intègre la notion de réalité à la romance scintillante du genre shojo, recherchant l’absence d’artifices pour exprimer des sentiments qu’elle n’a que trop vécu.

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Esquisse d’une vie sans profondeur

Shinkirari est graphiquement particulièrement singulier. Le trait est extrêmement fin, presque étiolé. Le remplissage en noir s’exécute par petites touches, comme par crainte de consommer la feuille. Les trames sont très bien gérées, mais utilisées avec une extrême parcimonie. Si les trames de fonds sont présentes, elles ne sont guère plus que quelques traits et fuyantes plaçant momentanément la scène dans un contexte précis. Aussi simples soient-elles, elles sont très efficaces et se suffisent largement à elle-même, malgré le peu de fois où elles sont utilisées. Murasaki Yamada nous offre ici un style unique, finalement minimaliste bien avant l’heure, qui focalise le lecteur sur le fondamental. Surpasser l’aspect graphique pour se focaliser sur les pensées et émotions de notre personnage. La barrière entre le lecteur et ce qu’il lit s’amenuise jusqu’à, petit à petit, en faire presque oublier son support.

Shinkirari

L’édition est de très bonne facture, proposant non seulement une bonne quantité de contenu, mais également un dossier très intéressant d’une quarantaine de pages sur Murasaki Yamada, sa vie, ses œuvres et son importance dans l’évolution du josei et de la place des femmes dans le manga de façon générale. La couverture est bien choisie et le jeu de la couverture cartonnée est des plus agréables. Enfin, la qualité de papier est excellente, Kana justifiant ainsi son prix sans aucun problème.

 

Conclusion

Shinkirari est-il pour vous ? C’est un titre extrêmement intéressant, mais ne s’adresse pas à tout le monde. C’est avant tout une critique de la société et une réflexion sur la place de la femme, sur la vie, le temps qui passe et les choix que l’on peut faire. La racine du genre josei pour ainsi dire.

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J’ai beaucoup aimé Shinkirari ! C’est un manga passionnant, que ce soit dans sa forme ou son écriture. Une capsule temporelle des années 80, qui nous pousse à l’introspection. En espérant que d’autres œuvres de Yamada Murasaki nous parviennent !

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