« Get Out » est un cauchemar. Un mauvais rêve qui vous éprouve, vous enferme dans une prison psychologique qui torture votre esprit. Vous sentez une menace, elle n’est pas nécessairement palpable mais vous savez que vous êtes en danger. Alors vous n’avez plus qu’une envie : Fuir.
Heureusement, vous finissez par vous réveiller! Ce retour à la normale semble rassurant mais au fond de vous, vous connaissez la vérité. Cette terrible expérience onirique n’était finalement que le reflet d’une réalité tout aussi effrayante.
Dès la scène d’ouverture, ce film –le premier du réalisateur Jordan Peele– installe une ambiance oppressante. Nous sommes aux Etats-Unis, il fait nuit, un jeune afro-américain apparemment perdu dans un quartier résidentiel chic (et blanc) veut rentrer chez lui. Soudain, une voiture approche. Une chanson rétro dont les paroles sonnent comme un avertissement se fait entendre dans le poste radio. « Run rabbit run, rabbit run, run, run« . Trop tard ! Un individu surgit derrière le jeune homme, l’étrangle et l’embarque dans le coffre de son véhicule. Le lapin ne rentrera pas dans son terrier.
Le climat de malaise qui hantera tout le film est posé.
Nous faisons ensuite la connaissance des personnages principaux. Depuis quelques mois, Chris Washington (Daniel Kaluuya) vit une relation amoureuse avec Rose Armitage (Allison Williams). Le couple semble épanoui, complice et soudé par un amour sincère. Chris s’apprête même à rencontrer les parents de sa petite amie le temps d’un week-end ! Rien d’anormal jusque-là. Un détail qui a son importance : Chris est noir, ce qui n’est pas le cas de Rose et de sa famille. Il appréhende cette rencontre, ce qui est légitime: dans un pays hanté par son passé esclavagiste et ségrégationniste les plaies ne sont pas refermées et les tensions raciales sont toujours d’actualité. Mais Rose rassure son compagnon, les Armitage sont ouverts, tolérants et progressistes.
Après tout, pourquoi craindre une famille dans laquelle le papa a « voté deux fois pour Barack Obama » ?
Suite à un trajet mouvementé, notre couple débarque chez les parents de Rose qui accueillent Chris à bras ouverts. Les Armitage sont chaleureux, amicaux, souriants, polis. Trop polis pour être honnêtes à vrai dire. Blaise Pascal écrivait « qu’un homme qui fait l’ange fait la bête », les meilleures intentions d’une personne peuvent dissimuler une nature monstrueuse.
Très vite, les sourires se crispent et l’amabilité laisse place aux insinuations douteuses sur la couleur de peau de Chris. Nous comprenons rapidement que cette apparente bienveillance n’est qu’un leurre et cache un racisme latent, bien plus insidieux que la haine des suprémacistes blancs à la manière du Ku Klux Klan. Jordan Peele montre ici du doigt une catégorie de ces américains blancs, ces WASP se croyant tolérants mais faisant preuve de condescendance, de façon consciente ou non, à l’égard des personnes racisées.
L’angoisse est ainsi distillée et le film devient progressivement anxiogène, étouffant. Le spectateur se met à la place de Chris dans cet insupportable enfermement psychologique.
La tension monte et le malaise se renforce lorsque nous rencontrons les « domestiques noirs », une femme de ménage et un jardinier. Bien entendu, le racisme sous-jacent des Armitage et la présence de ces employés renvoient fatalement à l’image d’une maison coloniale. Mais pas seulement et c’est là que « Get Out » va bien au-delà du brûlot politique : le comportement des domestiques n’est pas normal et ces derniers semblent… possédés !
Tous les voyants sont au rouge. A ce stade, nous avons envie de crier à Chris « VA-T’EN ! ». Même les paroles de la chanson Swahili « Sikiliza Kwa Wahenga » (Ecoute tes ancêtres) que nous pouvons entendre dans le film indiquent le danger: « quelque chose de mal arrive, cours!« .
La suite des événements sera l’ultime confirmation qu’une effroyable vérité se cachait dans cette maison. Une descente aux enfers pour le jeune homme où la folie sera totale.
Toujours angoissant et malsain, « Get Out » ne nous laisse aucun répit. C’est à la fois un thriller psychologique et un film d’horreur intelligent, à la mise en scène efficace et maîtrisée, porté par d’excellents acteurs. D’ailleurs, le public et la presse ne s’y sont pas trompés, « Get Out » est un immense succès outre-Atlantique.
Une révélation dont vous ne sortirez pas indemne !