JOKER, un nom, un personnage, un ennemi trop bien connu, un monument du comics et de la pop-culture revient se faire une beauté sous la houlette de Todd Phillips (la série des VERY BAD TRIP, WAR DOGS, ..) Avec Joaquin Phoenix, Robert De Niro dans les rôles principaux.
Pour cette adaptation, préparer votre plus beau nez rouge et vos plus belles dents blanches. 😈
Synopsis : Dans les années 1980, à Gotham City, Arthur Fleck, un comédien de stand-up raté est agressé alors qu’il ère dans les rues de la ville déguisé en clown. Méprisé de tous et bafoué, il bascule peu à peu dans la folie pour devenir le Joker, un dangereux tueur psychotique.
Joker : “Souris, parce ça embrouille les gens. Souris, parce que c’est plus facile que d’expliquer ce qui te ronge de l’intérieur.”
Le film est bizarre, malsain. Il mélange les codes et s’affranchit de toute lecture simpliste qu’on pourrait faire d’un personnage principal.
Arthur est au bord du gouffre et les quelques bribes de bonheur sont les dernières ficelles qui le relit au monde normal : ces gags sont somme toute très enfantins, comme en témoigne dans le film par la présence omniprésente d’enfants autour de lui ; pour lui rappeler son passé d’enfant n’ayant jamais grandi, et qui ne font plus rire les adultes. Le lien avec sa mère le garde aussi du bon côté pendant un certain temps durant le film.
Le clown Joker ne veut pas grandir. On pourra en faire le lien avec les sévices subits alors qu’il était jeune en complément des délires de sa mère (finalement adoptive).
Tout le monde le rejette ou ne peut pas le comprendre ou est contre lui. Il en arrive à se créer son propre univers cohérent pour échapper à son délire pressant ( le mythe de sa relation avec sa voisine).
Des évènements triviaux lui arrivent (une bien mauvaise journée en somme), qui pour d’autres personnes fragiles feraient également sombrer dans une sorte d’abandon, de dépression. Mais lui tient bon par la force des choses et tente de vivre un tant soit peu en tournant ça au rire ; souvent nerveux, tantôt basé sur un fond de tristesse ou souvent source d’incompréhension à cause de sa soi-disant maladie dont il fait l’étalage. Difficile de savoir quelle est la vraie raison.
Tous les moments pourris de sa journée le font basculer dans son délire, jusqu’au moment où il prend conscience que la société ne peut que partir en lambeaux. Tout comme dans une partie de jeu d’échec de luxe.
Joker : “Si la vie te semble si mauvaise, ne te rebelle pas. Deviens fou !”
Les scènes de l’escalier pour rentrer chez lui me font beaucoup penser au mythe de Sisyphe ; toujours le même quotidien dont il ne peut pas sortir et ou la chute du rocher se matérialise par une nouvelle journée qu’il doit affronter.
Il y a pourtant cette part d’humain en lui qu’il ne veut pas laisser partir (+ de médicaments pour rester « sur Terre », sa relation amoureuse, son refus de penser que sa mère ne soit pas sa mère biologique).
Pour enfin voir l’escalier encore, en plein jour cette fois avec son costume coloré, son maquillage singulier et sa danse ; mélange de grâce et de macabre à venir. C’est à ce moment qu’il atteint l’apothéose de sa vie.
Les contrastes de lumière sont saisissants et parfaitement bien étudiés : d’une image morne/terne au départ, tout prend de la couleur quand le spectacle se fait jour : la télévision, l’hôpital, l’interview et les endroits où il peut vraiment s’exprimer (son premier meurtre par exemple avec la lumière des lampes du métro, clignotantes pour rappeler que le Joker va bientôt péter un plomb 😀 )
Je ne serais jamais assez exhaustif sur le gros travail sur le physique du personnage (-25kg pour Joachin Phoenix). La prestation est sans aucune fausse note et il arrive à passer par tous les états : dépressif, heureux, psychopathe, déterminé, craintif. Il incarne pour moi le mieux cette folie totalement assumée.
Même la gestuelle du Joker change vers les 3/4 du film. De débonnaire et hésitant, il s’affirme clairement dans un chaos qu’il a toujours côtoyé, mais refoulé. D’un homme désarticulé, il lâche prise à toutes les conventions.
« Sans aucun lien, je me tiens bien » n’a jamais été aussi vrai que pour le Joker !
L’incarnation d’Arthur en Joker, c’est son One-Man-Show permanent qui le fera devenir une star (par ses crimes notamment) et la fin du film le laisse clairement entendre avec tous les exclus et rebuts de la société qui sont soudain prêts à le suivre dans sa volonté de chaos général.
Joker : “Tu sais quoi ? Personne ne panique quand tout se déroule selon le plan. Même si le plan en question est monstrueux.”
Pour les 20 dernières minutes du film, nombre de clins d’œil sont également présents.
La mort des parents de Bruce (car il faut bien mettre Batman quelque part) relié indirectement au chaos du Joker. Pour moi, c’était inutile de faire le lien : le film se suffit à lui-même et simplement montrer la famille Wayne aurait été un parallèle prou de liaison.
Et surtout bon sang, le plan de caméra de la tête du Joker sur la vitre de la voiture de police, ainsi que son remaquillage de sourire avec son sang, était difficile à éloigner de la prestation de feu Mr Ledger.
Pour terminer, le clap de fin avec cette phrase iconique : « vous pouvez pas comprendre » !
Comment ne pas voir ici une reprise des comics. Personne ne peut finalement comprendre le Joker : c’est un homme imprévisible, qui est pour moi le vrai adjectif du film !
Je souhaite revenir une dernière fois sur la problématique/bad buzz avant la sortie du film :
On peut tout montrer et faire voir une lecture dans un film, sans donner du sens aux actes de personnes isolées, qui le sortiront forcément de son contexte pour donner du crédit à leurs mythologies de haine.
La position de Todd Phillips et Joachin Phoenix sur ce point est parfaite ; les mecs savent que se censurer eux-mêmes, ce n’est bon ni pour la créativité ni pour la critique de la société et de sa possible remise en question.
(Le film étant déjà censuré de façon indirecte ; il y aurait pu y avoir plus de violences ou de meurtres, ou même accentuer le côté glauque et psychopathe d’Arthur.
Mais il faut faire des entrées en salle ; ce qui explique aussi le Cut du film assez important de presque 1heure.)
« La culture doit triompher. »