Alors qu’habituellement je saute avec une certaine allégresse sur toute nouvelle production Netflix, allez savoir pourquoi, Narcos ne me tentait pas particulièrement, j’y suis même franchement allée à reculons ! C’est vrai après tout, Netflix a fait beaucoup de paris depuis son lancement… Réussir une série sur une prison de femmes ? Gagné. Redorer le blazon de Daredevil ? Gagné. Une série historique ? Gagné. Produire des documentaires ni chiants, ni bling-bling ?
Bref, vous avez compris, et si Netflix réussit tout ce qu’il entreprend, il doit bien se planter à un moment… L’exception qui confirme la règle, disons…
Force est de constater que ça ne sera pas pour tout de suite… Narcos ? Gagné.
Bande-annonce
Synopsis
Narcos, c’est l’histoire d’un type qui part de rien et qui devient en quelques années la 7ème plus grosse fortune mondiale, ce type, c’est Pablo Emilio Escobar Gaviria.
Un biopic donc.
Oui, mais pas seulement, la plupart des biopics se contentent de romancer la vie d’une personne, de préférence quelqu’un de sympa pour faire plaisir au public. Narcos va beaucoup plus loin, tant du point de vue du fond que de la forme. Et c’est par cette derniere que nous allons commencer 😊
La grosse originalité de cette série c’est la narration, on ne se contente pas de vous balancer des images à la tronche, nous avons ici droit à un narrateur (Steve Murphy, agent de la DEA en charge de « l’affaire » Escobar). Pourquoi faire ? Et bien pour vous expliquer l’histoire, SON histoire, en plus de vous la raconter.
C’est lui déjà qui nous dit comment tout a commencé, pourquoi telles ou telles décisions ont été prises, quelles en ont été les conséquences par la suite… Steve nous accompagne tout au long de cette saison et ajoute indéniablement une touche de réalisme à l’histoire. C’est vrai après tout, le réalisme est au coeur de cette série, à commencer par le générique qui est composé de 90% d’images d’archives… Les épisodes en eux-même sont bourrés d’images d’époque, mélangées aux scènes de la série, elles-mêmes bourrées d’éléments d’archives (les journaux par exemple sont les vrais journaux de cette période, témoins du soin minutieux qui a été apporté à la documentation).
Donc c’est pas un biopic, c’est un documentaire ? Non. Enfin si. Enfin c’est un peu des deux, disons un biocumentaire, pour faire simple. Et c’est très bien filmé.
Sobre, efficace, pas besoin d’effets visuels de malade, pas besoin d’effets spéciaux spectaculaires pour produire des scènes puissantes. Quelques secondes pour filmer un enlèvement suffisent à nous en faire ressentir la violence, et cette façon de tourner très crue ajoute une dose de réalisme supplémentaire… Parfois un peu trop sobre même, la toute fin par exemple, petite déception. La saison 2 étant quasiment assurée dès l’annonce de la saison 1 (elle l’est en tout cas à l’heure où j’écris ces lignes), je m’attendais à un climax capable de nous tenir en haleine jusqu’à la saison 2… Petit pétard mouillé quand-même, mais tout petit alors on pardonne, vu la richesse du scénario.
Je disais il y a quelques lignes que Narcos c’était l’histoire de Pablo Escobar
C’est vrai oui mais on ne se borne pas à suivre ses pas et à entrer dans son intimité, c’est la multiplication des points de vue qui donne toute sa richesse au scénario… Pablo Escobar père de famille, homme d’affaires, bon vivant, mécène, politicien, égocentrique, tueur de masse, homme à abattre… Il était un peu de tout ça à la fois. Nous découvrons une personnalité complexe qui a transformé tout un pays, voire le monde entier en poussant un peu.
32 657 292 Colombiens ont vécu pendant 15 ans au rythme des humeurs de ce type venu de nulle part, certains l’ont haï, d’autres l’ont idôlatré et maintenant encore vous pouvez trouver des photos de « Saint » Pablo Escobar dans les maisons qu’il a construites pour les pauvres (à côté des tombes de ceux qu’il a fait assassiner par exemple).
Si le chef du clan de Medellìn est décrit dans toute sa complexité, sans aucun jugement, c’est également le cas de tous les autres personnages. Steve Murphy et Javier Pena (son coéquipier) (oui, c’est le mec qui a joué dans Game of Thrones) ne sont pas des héros… Bavure policière dès le premier épisode et Steve nous dit qu’il ne la regrette pas. Les policiers locaux se battent avec un courage incroyable, mais n’hésitent pas à torturer au besoin. Les « sicarios », les hommes de main des cartels tuent de sang froid mais doutent aussi, parfois. Même les rôles féminins, chose rare, sont fouillés !
Évidemment, les personnages ont beau être parfaitement nuancés, ils ne sont rien sans de bons acteurs… Wagner Moura, Pedro Pascal, Boyd Holbrook, Joanna Christie, Juan Pablo Raba, Ana de la Reguera et tous les autres sont excellents. Au delà de la ressemblance physique certaine entre les acteurs et les personnes qu’ils incarnent, leur jeu est à la hauteur du reste de la série, c’est à dire sobre, efficace, et superbement calqué sur la réalité.
Voilà qui est fait pour la forme, maintenant passons au fond.
Quel est le message ici ? Que les années 80 c’était un peu l’empire de la moustache et que c’est mal ? Certainement oui, mais Narcos fait surtout partie de ces séries américaines très critiques envers le passé du pays. Alors que beaucoup considèrent que les USA ont été victimes de la drogue, les producteurs de Narcos vont beaucoup plus loin et ce dès le premier épisode où Murphy nous explique que tout ça ils l’ont un peu cherché, la guerre froide, la mise en place de Pinochet au pouvoir au Chili tout ça tout ça…
L’un des messages forts de Narcos c’est que la drogue c’est mal que les Etats-Unis ont le pouvoir d’influencer les gouvernements et qu’ils sont en terrain conquis en Amérique du Sud. Je parlais tout à l’heure de multiplicité des points de vue. On la retrouve également ici : à travers la lutte entre Escobar et Murphy, vous entrevoyons la lutte entre la Colombie et les USA, le Sud contre le Nord.
Les jeux de pouvoir sont basés, une fois n’est pas coutume, sur de vrais humains. Le président est tiraillé par les doutes, poussé a jouer un rôle qu’il n’était pas prêt à jouer et à risquer sa vie… Et pas que sa vie d’ailleurs. Même chose côté américain où la question de l’éthique de pose à de nombreuses reprises, jusqu’où étaient-ils prêts à aller pour mettre fin au règne d’Escobar ? Réponse dans la saison 2 😉
Le mot de la fin
Didier Bourdon est Pablo Escobar #Netflix #Narcos pic.twitter.com/MGqzHgIbyD
— Romain Fiorucci (@romainfl) 27 Août 2015