« J’entendis le gémissement sourd de l’esprit des ténèbres étendant ses ailes sur un monde effaré »
Initialement appelé «Hunger», les créateurs suédois de Tarsiers Studio convoquent Edgar Poe, Hayao Miyazaki ou encore Lovecraft dans ce conte macabre et nous plongent au cœur des terreurs enfantines.
Plateformer inquiétant et lugubre, «Little Nightmares» embarque le joueur à bord d’un submersible -sorte de musée des horreurs– dans lequel de sombres créatures rôdent à chaque recoin, prêtes à vous attraper. Et à vous dévorer !
Un jeu singulier et esthétiquement sublime mais qui n’atteint pas la qualité et la profondeur d’un «Inside» dont il s’inspire, la faute à un gameplay imprécis et à des énigmes bien trop sommaires.
Bienvenue au pays du diable
Vous vous réveillez dans la peau de Six, frêle petite fille vêtue d’un simple ciré jaune. D’emblée, le ton est donné : vous êtes seule dans une pièce sinistre et emplie de ténèbres. Un lieu inconnu et glauque propice à de multiples atrocités qu’un enfant ne devrait pas connaître. L’obscurité environnante rend la progression dans cet univers difficile mais vous vous rendez compte rapidement que vous possédez un briquet. Cette source de lumière vous permet d’avancer et d’apercevoir d’étranges petits êtres qui s’enfuient en vous voyant, curieuses créatures possédant une tête en forme triangulaire qui vous rappelle… le célèbre Pyramid Head du survival-horror «Silent Hill» ! Le cauchemar commence.
Divisé en 5 chapitres distincts, «Little Nightmares» nous fait ainsi parcourir des niveaux crasseux aux couleurs souvent froides qui détonnent par rapport à l’accoutrement jaune plus lumineux de notre héroïne. Cette dernière découvre un univers dérangeant, une sorte de version revisitée et horrifique d’Alice au pays des merveilles, et une ambiance angoissante renforcée par des musiques diablement efficaces (comptines pour enfants, mélodies proches du style de Danny Elfman…) et par des jeux d’ombres et de lumières saisissants.
Durant l’aventure, Six progresse à travers des décors gigantesques par rapport à sa taille, si minuscule. Elle n’en devient que plus fragile, une faiblesse qui ne pardonne pas dans ce monde maudit. Un monde où les monstres existent et ont terriblement faim !
You better run for your life if you can little girl
Six est une proie. Pour survivre, il est nécessaire pour elle de se cacher sous les lits, sous les tables, à l’abri des regards. Mais surtout fuir, fuir le plus vite possible car les loups sont régulièrement à ses trousses.
Un gardien aveugle aux bras démesurément longs –un genre de croisement entre Freddy Krueger et le vieux Kamaji du «Voyage de Chihiro»-, des cuisiniers obèses s’activant à préparer des mets douteux à l’aide d’objets tranchants, ces ogres n’auront qu’une seule idée en tête si vous avez le malheur de vous faire repérer : vous réserver un sort funeste.
Dans cette partie de cache-cache stressante, se faire attraper par ces prédateurs est donc synonyme de Game Over. Dans l’absolu, ces fins de partie ne sont pas véritablement pénalisantes, les checkpoints étant majoritairement bien placés.
Vous vous demandez sans doute la finalité de ce petit jeu malsain. Qui sont ces monstres et pourquoi s’en prennent-ils à Six ?
Vous n’en saurez pas plus même après le générique de fin. Une fin qui pointe le bout de son nez après 3h de jeu, ce qui est très court mais habituel pour ce genre de production indépendante.
L’histoire est suggérée et non explicite mais est-ce vraiment un problème pour un titre comme «Little Nightmares» ?
Stephen King a écrit : « Les cauchemars ne relèvent pas de la logique et les expliquer n’aurait aucun intérêt, ce serait contraire à la poésie de la peur.«
Une facilité pour certains joueurs. Une idée acceptable pour les autres.
Par sa beauté morbide, Little Nightmares séduit. C’est en s’intéressant à son gameplay et ses mécaniques que ce potentiel chef-d’œuvre devient un jeu correct qui ne marquera pas durablement les joueurs.
« Celui qui lutte contre les monstres doit veiller à ne pas le devenir lui-même. »
«Little Nightmares» a l’odeur d’un «Limbo» et d’un «Inside» mais il n’en a pas l’efficacité en ce qui concerne la progression dans l’aventure. Six peut courir, sauter, s’accroupir, s’agripper, tenir et lancer des objets, des aptitudes qui ne seront pourtant pas mis à contribution de façon intelligente dans la résolution des énigmes. Ces dernières ne poussent pas à la réflexion et manquent d’audace. Une porte fermée avec une serrure se présente devant vous et vous empêche de poursuivre votre chemin ? Qu’à cela ne tienne, une clé se trouve dans la pièce d’à côté.
Vous devez activer un levier qui se trouve en hauteur, hors de portée de la petite Six ? Quelle chance, une valise à quelques mètres va justement permettre de l’atteindre !
Hélas, ces énigmes ne font pas appel à l’intelligence du joueur, c’est peu de le dire. L’intérêt du gameplay se trouve plutôt dans la confrontation avec les ennemis et dans les phases de plate-forme. Ce dernier point est mis à mal par des défauts qui finissent par ternir le jeu et l’empêchent d’atteindre l’excellence.
En effet, «Little Nightmares» se distingue d’un «Limbo» par l’ajout d’une profondeur de champ et d’une perspective qui donne un effet 3D bienvenu et agréable à l’œil. Malheureusement, Tarsiers studio n’a pas su régler les problèmes de repérage, il n’est pas rare de voir chuter notre héroïne alors que le joueur pensait la diriger dans la bonne direction. Et ce n’est pas la caméra flottante parfois mal placée qui vous aidera…
Ces mauvais points réduisent considérablement la rejouabilité et nous font penser que le titre n’est «seulement» qu’un bon jeu ! Il aurait pu être tellement plus que ça.
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Points positifs :
- Un univers esthétiquement magnifique
- Une ambiance poétique sombre réussie
- Bien rythmé
- Des décors variés
- Des musiques excellentes
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Points négatifs :
- Gameplay imprécis et frustrant
- Progression trop simple
- Peu de rejouabilité
- On aurait aimé voir encore plus de monstres
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